Entrevue avec Hélène Mathieu, fondatrice pionnière d’un cabinet à Dubaï

Hélène Mathieu, fondatrice du cabinet de conseil juridique « Helene Mathieu Legal Consultants » à Dubaï, Émirats arabes unis

Me Mathieu a généreusement accepté de répondre aux questions d’AHQ sur son initiative pionnière et sa pratique quotidienne aux Émirats arabes unis.

 

  1. Comment vous êtes-vous tournée vers la pratique du droit à l’étranger?

En 1994, quelques semaines à peine avant la fin de mon stage du Barreau du Québec, un ami m’a proposé un poste de six mois à Dubaï, offre que j’ai acceptée sans vraiment connaître l’emplacement exact de mon nouvel emploi. J’ai dû consulter un atlas pour repérer Dubaï. Google n’existait pas encore à cette époque et Dubaï était une ville tout à fait inconnue. Avec la guerre du Golfe, on connaissait par contre l’Arabie saoudite et le Koweït. J’ai donc cherché sur la carte l’Arabie saoudite pour tenter de localiser les Émirats arabes unis, pays voisin de ce dernier. C’est donc deux semaines après mon assermentation au Barreau du Québec que je suis partie pour Dubaï pour une expatriation qui devait être temporaire si jamais je ne m’y plaisais pas! Et l’aventure a commencé…

  1. En 1998, vous avez fondé le cabinet de conseil juridique « Helene Mathieu Legal Consultants » à Dubaï, Émirats arabes unis, qui est désormais bien établi dans la région. Qu’est-ce qui explique ce choix de carrière exceptionnel?

Très rapidement après mon arrivée à Dubaï, les choses ont commencé à évoluer à une vitesse vertigineuse suite à la nomination de Cheik Mohammed Bin Rashid comme Crown Prince de Dubaï une semaine après mon arrivée là-bas. De plus en plus d’opportunités très intéressantes se développaient en droit des affaires. Les nombreux expatriés avaient également besoin de services légaux qui dépassaient les seules questions d’immigration. Ayant développé un sens aiguisé des affaires, j’ai décidé de lancer mon propre bureau d’avocats en 1998. Je suis fière d’avoir marqué l’histoire en devenant la première occidentale à obtenir l’autorisation d’ouvrir un cabinet d’avocats à Dubaï alors que je n’avais même pas 30 ans et que la réglementation pour ouvrir un nouveau cabinet était très rigide. J’ai dû persévérer pendant de longs mois avant d’obtenir cette autorisation, mais cette persévérance a porté fruit.

  1. Comment décririez-vous votre pratique quotidienne ainsi que la structure de votre cabinet?

Nous conseillons nos clients quotidiennement sur plusieurs domaines du droit, mais notre pratique se concentre principalement sur le droit corporatif et commercial, le droit des successions, le droit de la famille, le droit de l’immigration et le droit du travail. J’ai une équipe composée d’avocats compétents et multilingues qui desservent des clients provenant de tous les coins du monde et nous comptons plus de sept nationalités différentes pour un cabinet d’une dizaine de personnes. Notre bureau collabore sur une base régulière avec des avocats européens et nord-américains sur diverses questions touchant le droit des affaires et touchant également différents aspects de la vie professionnelle et personnelle des expatriés aux Émirats.

  1. En tant que professionnelle étrangère, quels ont été les défis les plus difficiles à surmonter à Dubaï?

Au départ, le plus gros défi pour moi était de m’adapter à la langue et surtout à la culture du pays. À titre d’exemple, j’ai appris que dans le monde arabe, une bonne partie du travail des avocats s’effectue en coulisse. Quand on négocie des affaires, c’est très mal vu d’arriver d’emblée avec son conseiller juridique. Cela éveille la méfiance de l’autre partie, il faut absolument éviter de donner l’impression qu’on ne fait pas confiance à l’autre. Situation diamétralement opposée à la pratique du droit en Amérique du Nord.

Un autre grand défi était de m’adapter au système juridique émirati qui diffère substantiellement des systèmes européens et nord-américains même si les Émirats arabes unis est un pays de droit civil. À l’époque, il y avait très peu d’accessibilité à des recueils de droit ou de jurisprudence en anglais. Le défi pour comprendre les subtilités de la Sharia et du droit commun était de taille. J’ai toujours pensé qu’il fallait avoir un talent de funambule à cette époque pour pouvoir évoluer dans le domaine légal sans connaissance de la langue arabe.

  1. Quels conseils donneriez-vous à ceux qui souhaitent entreprendre une carrière similaire?

Pour les jeunes avocats(es) qui veulent travailler à l’étranger et plus spécifiquement à Dubaï, mon conseil serait surtout d’avoir un esprit ouvert et une volonté d’apprendre des autres. Dubaï est une ville multiculturelle où l’ouverture d’esprit et la flexibilité constituent deux qualités personnelles indispensables à celui ou celle qui désire pratiquer dans cette partie du monde.

Peu importe où l’expatriation mène un avocat, la persévérance est également un attribut essentiel pour un juriste qui désire réussir à l’étranger. Les défis sont importants, mais également ô combien passionnants. La récompense est sans aucun doute la naissance d’une ouverture sur le monde qui remettra en perspective votre place face au reste du monde.

  1. Quelle a été votre plus grande surprise suite à votre arrivée à Dubaï?

Je me suis vite aperçue que la perception et la connaissance que l’Occident avait du monde arabe en 1994 était tout à fait erronée. Nous avions la vision rapportée à travers les images de la guerre du Golfe et ces images et ces connaissances n’étaient pas du tout réalistes par rapport au reste des pays du Golfe et du Moyen-Orient. Pendant les premières années, je disais que je travaillais dans le pays voisin de l’Arabie saoudite, car personne ne connaissait les Émirats arabes unis ou encore Dubaï. Cette situation a bien changé et les autorités des Émirats ont développé leur pays à une vitesse fulgurante, faisant en sorte que les Émirats et particulièrement les Émirats de Dubaï et d’Abou Dhabi sont maintenant très connus à travers le monde.

Cependant, il existe malheureusement toujours une très grande méconnaissance de la région en partie toujours entretenue par les médias qui associent encore le terrorisme et l’islam de manière soutenue en n’insistant pas sur le fait que ces personnes qui adhèrent à ce genre de dogme constituent un infime pourcentage du monde arabe et qu’il ne faut pas tout généraliser.

Une réponse

  1. Breton dit :

    Je souhaite savoir si je peux trouver un poste de juriste dans votre entreprise ?
    Merci. J’ai 27 ans

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