La norme commune de déclaration (ou CRS) : l’épilogue de l’évasion fiscale?

Par Elisabeth Dumais et Samüel B. Harvey (Hong Kong)*

La norme commune en matière de déclaration et de diligence raisonnable, ou plus communément appelée le CRS, tiré des termes anglais «Common Reporting Standard», a été développée par l’Organisation de Coopération et de Développement Économiques (OCDE) à la forte demande des pays du G20 afin de lutter contre l’évasion fiscale et appeler les juridictions et leurs institutions financières à échanger automatiquement des informations entre elles sur une base annuelle ayant comme objectif la transparence fiscale. Finalement approuvé par le conseil de l’OCDE le 15 juillet 2014, le CRS est entré en vigueur le 1er janvier 2017 dans la plupart des juridictions signataires.

Cette norme qu’est le CRS définit les informations financières devant être communiquées, les institutions financières soumises à des obligations déclaratives ainsi que les différents types de comptes et contribuables couverts par les CRS, en plus des procédures communes de diligence raisonnable à suivre par les institutions financières.

À l’heure actuelle, plus d’une centaine de juridictions à l’échelle mondiale ont décidé de se soumettre au CRS, représentant un large éventail de pays, dont tous les pays du G20, tous les pays de l’OCDE, les grands centres financiers, les principales économies nationales émergentes et un nombre croissant de pays en développement. Une grande majorité d’entre elles commenceront l’échange dès cette année ou au cours de l’année 2018.

Tel que rédigé par l’OCDE, la mise en œuvre du CRS suppose de le transcrire dans le droit interne de chaque juridiction qui souhaite s’y soumettre. La conclusion d’un accord entre autorités compétentes basé sur le modèle constitué par l’OCDE permet la mise en place de l’échange d’informations fondé sur des instruments juridiques existants, comme la Convention multilatérale concernant l’assistance administrative mutuelle en matière fiscale (ci-après «la Convention») ou bien, des conventions bilatérales relatives à l’impôt sur le revenu. L’échange de renseignements peut aussi se fonder sur un accord/arrangement multilatéral entre autorités compétentes. Dans ces cas, certaines juridictions peuvent conclure un accord intergouvernemental multilatéral ou plusieurs accords intergouvernementaux qui constituent des traités internationaux à part entière couvrant à la fois les obligations déclaratives et les procédures de diligence, conjugués à un accord entre autorités compétentes de portée plus limitée. Une législation européenne couvrant les éléments du CRS peut également constituer la base juridique de cet échange.

Avec ses plus de cent signataires à elle seule, la Convention prévoie toutes les formes de coopération administrative, les règles strictes relatives à la confidentialité ainsi que l’usage des informations échangées.

PORTÉE DU CRS
Afin de limiter les possibilités pour les contribuables de contourner le CRS en transférant des actifs vers des institutions ou en investissant dans des produits qui ne sont pas couverts par celui-ci, le régime de déclaration a une large portée, et ce, sous trois dimensions:

– L’information financière à être communiquée : le CRS couvre différents types de revenus de placement, y compris les intérêts, les dividendes et les revenus similaires, ainsi que les soldes de comptes et les produits de vente d’actifs financiers, afin de couvrir les situations où un contribuable cherche à cacher du capital qui normalement exigerait le paiement d’impôt.

– Les titulaires de compte devant faire l’objet d’une déclaration : comprenant non seulement les comptes de personnes physiques, mais également les comptes de personnes morales incluant aussi toutes entités juridiques ou mécanismes intermédiaires tels des compagnies et des fiducies qui pourraient servir à certains individus de moyens pour se soustraire à leurs obligations déclaratives.

– Les institutions financières soumises à l’obligation de déclaration : parmi lesquelles on peut compter les banques, mais également d’autres institutions financières telles que les courtiers, certains organismes de placement collectif et sociétés d’assurance.

NUMÉRO D’IDENTIFICATION FISCALE
L’un des principaux moyens qui sera utilisé afin d’identifier tant les personnes physiques que morales est le Numéro d’Identification Fiscale (NIF) ou son équivalent fonctionnel, associé à la juridiction de résidence. Pensons par exemple au Canada où le NIF existe sous différentes formes : le numéro d’assurance sociale (NAS) pour les particuliers, le numéro d’entreprise (NE) pour les sociétés et les sociétés de personnes, et le numéro de compte en fiducie pour les fiducies. Lorsqu’une personne est identifiée comme ayant plus d’une juridiction de résidence, le NIF à déclarer est celui du titulaire du compte à l’égard de chaque juridiction déclarable.

QUELQUES MISES EN SITUATION PRATIQUES
Si un contribuable détient un NIF d’une juridiction soumise au CRS, ses informations seront transmises à toutes les juridictions également soumises à cette norme. Sa juridiction recevra alors des informations de toutes les autres juridictions soumises à cette norme où il détient, directement ou indirectement, des comptes bancaires (y compris les Bermudes, Hong Kong, Singapour, les Îles Vierges britanniques, Panama et les Îles Cayman qui sont toutes des juridictions soumises au CRS). Pour les personnes imposées à l’échelle mondiale, les investissements seront divulgués dans leur pays d’origine et ces bénéfices seront, dans la plupart des cas, immédiatement imposables.

À l’inverse, si un contribuable ou un titulaire de passeport détient un NIF d’une juridiction non soumise au CRS (comme la Thaïlande ou le Vietnam), ses informations ne seront pas transmises automatiquement en vertu du CRS (à l’exception de l’existence d’une autre convention, en cas de vérification ou d’enquête) et cette juridiction ne recevra aucun renseignement des juridictions soumises, ou non, à la norme. Toutefois, si un individu est résident d’une juridiction non soumise au CRS ou détient un NIF d’une telle juridiction, il risque de rencontrer des difficultés pour l’ouverture d’un compte bancaire dans une juridiction soumise au CRS.

En conclusion, il est certain que les centaines de milliers d’informations qui devront être échangées chaque année engendreront probablement un grand nombre de problèmes de traitement. Deux leçons doivent certainement être tirées en ce qui a trait au CRS : le fait pour un contribuable de ne pas avoir de NIF ou d’en détenir un d’une juridiction qui ne se soumet pas au CRS peut éventuellement mettre en danger ses investissements et ses intérêts, et les pays qui ne sont toujours pas soumis au CRS auront de plus en plus de pression à le devenir.

*Elisabeth Dumais est Stagiaire en droit chez Harvey Law Group; Samüel B. Harvey est Consultant en marketing légal chez Harvey Law Group. Pour plus d’information quant à la ‘norme commune en matière de déclaration et de diligence raisonnable’ (CRS), les auteurs vous invitent à contacter les partenaires de HLG, Me Jean-François Harvey et Me Bastien Trelcat.

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