Me Thomas Hruby: Avocat en République Tchèque

AHQ : Comment êtes-vous passé du Québec à l’étranger?

TH : Ma famille est d’origine tchèque. Mes parents se sont échappés de la répression communiste en 1948. Ils sont arrivés à Montréal en 1950 en laissant tout derrière eux. En 1991, j’ai commencé à réclamer en restitution les immeubles familiaux. Peu après, j’ai aidé les amis et les connaissances de mes parents avec leurs demandes de restitution. J’ai fait la navette entre Montréal et Prague régulièrement à cette époque. En 1992, je me suis rendu compte que j’avais plus de clients à Prague qu’à Montréal. J’ai donc ouvert un petit bureau avec un stagiaire et une secrétaire. Après quelques mois, un autre avocat s’est joint à notre petite équipe. Je suis finalement déménagé à Prague en juillet 1993,. Ca ne devait être que pour 3 à 5 ans. Vingt ans plus tard, je suis toujours.

AHQ : Pouvez-vous nous décrire votre travail en République tchèque?

TH : C’est une question qui engendre toute une gamme de réponses. Je suis avocat. Je suis associé d’une étude que j’ai fondée en 2006 avec mon associé Jiří Buchvaldek. Nous avons cinq autres avocats qui collaborent avec nous, un stagiaire et une étudiante qui nous aide pendant ses études à la faculté de droit. La majorité de nos clients sont des entreprises et des individus qui font des affaires en République tchèque. Il n’y a pas si longtemps, la plupart de nos clients était des entrepreneurs et des investisseurs étrangers. Aujourd’hui, une faible majorité de notre clientèle est étrangère. Mes fonctions se regroupent en trois catégories: les relations publiques, la gérance et la pratique du droit comme telle. Je ne suis pas avocat-plaideur par contre. Ayant pratiqué le droit depuis plus de trente ans, mon travail consiste maintenant davantage à concevoir les montages juridiques et trouver des solutions aux problèmes qu’à rédiger les documents eux-mêmes.

AHQ : Quel a été le défi le plus difficile à relever dans cette terre d’accueil?

TH : J’ai eu plusieurs défis à relever. Le plus important a peut-être été celui de comprendre et d’essayer de m’intégrer à ce que j’appelle « la culture quotidienne » du pays. Certes, j’ai été élevé par des parents et une grand-mère tchèques et j’avais visité la République tchèque à plusieurs reprises avant d’y déménager. Cependant, ça été un choc de me retrouver tout à coup dans un pays qui, à peine trois ans et demi auparavant, était communiste. Les supermarchés venaient d’apparaître mais ils n’avaient rien à voir avec les Métros et Provigos au Québec. Les nettoyeurs à sec étaient rares et lents. On attendait des mois et même des années pour l’installation d’une ligne téléphonique… Et puis il y avait la mentalité des Tchèques, qui pour la plupart n’avait pas connu un système autre que le communisme avec la planification centrale de l’économie. Ils voulaient établir un marché libre, mais pour la plupart d’entre eux les références au capitalisme étaient « Dallas », « Dynasty » et les programmes américains semblables, qui venaient d’être doublés en langue tchèque. Mis à part l’architecture magnifique et la culture, la ville de Prague dans laquelle je me suis installé en 1993 ne ressemble guère à celle de 2013.

AHQ : Quel est le plus grand changement que vous ayez constaté dans le cadre de votre travail en République tchèque?

TH : En 1993, 95% des gens avec qui je traitais étaient des étrangers. La direction des sociétés, même tchèques, était toujours entre les mains d’étrangers. Aujourd’hui la majorité des gérants et des administrateurs des grandes sociétés sont de jeunes Tchèques. C’est un changement fort positif.

AHQ : Pouvez-vous nous dire ce qu’il y a de plus étonnant à propos de ce pays?
TH : Ce que je trouve le plus étonnant ou plutôt choquant à propos de la République tchèque, c’est la corruption institutionnelle au niveau politique et de la fonction publique. Le Québec connaît très bien ce qu’est la corruption dans le secteur public. Il y a des enquêtes, commissions royales et des procès. Cela n’empêche, chaque nouveau cas choque les Québécois. En République tchèque, les gens se sont habitués à des politiciens et des fonctionnaires corrompus. Ça, c’est grave.

AHQ : Qu’est-ce qui vous manque le plus du Québec?

TH :
 Ce n’est surtout pas l’hiver, même si la République tchèque connaît aussi des hivers assez durs. Ma famille et mes amis me manquent le plus. Ils me visitent, je les visite, mais ce n’est pas la même chose que demeurer à quelques coins de rues ou kilomètres d’eux.

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