Pierre-Olivier Laporte, associé fondateur de Savoie Laporte, sur la pratique juridique des organisations internationales

Entrevue réalisée par Jonathan Brosseau, Doctorant à Paris 1 (Panthéon-Sorbonne).

[The English version of the interview follows.]

 

Membre du Barreau du Québec, Pierre-Olivier possède plus de 15 années d’expérience en conseil et représentation de clients internationaux, tant dans le cadre de litiges que dans le cadre d’activités de conseil.

Il a d’abord pratiqué au sein du Centre d’arbitrage et de médiation de l’Organisation mondiale de la propriété intellectuelle et du groupe de propriété intellectuelle d’un cabinet d’avocats international. Pierre-Olivier a ensuite rejoint le Fonds mondial de lutte contre le SIDA, la Tuberculose et le Paludisme, où il a exercé les fonctions de conseiller juridique de 2011 à 2015 et de conseiller principal de 2016 à 2020.

Il a fondé Savoie Laporte en 2020 avec Pierre-Olivier Savoie, un cabinet spécialisé en droit international.

Comment êtes-vous passé de la pratique privée dans un cabinet national à Montréal à travailler au Fonds mondial à Genève ?  

J’ai commencé ma carrière juridique à Genève, en tant qu’administrateur de litiges au Centre d’arbitrage et de médiation de l’Organisation mondiale de la propriété intellectuelle (OMPI). Ce fut une première expérience très positive dans le milieu des Organisations internationales (OIs). Je suis revenu à Montréal plus tard, en tant qu’avocat au sein du groupe de Propriété intellectuelle de Norton Rose Fulbright (qui s’appelait encore Ogilvy Renault à l’époque). Après quelques années en pratique privée, l’occasion s’est présentée de rejoindre le service juridique du Fonds mondial de lutte contre le SIDA, la tuberculose et le paludisme, alors en pleine expansion. Ils étaient à la recherche d’un avocat francophone pouvant conseiller des équipes de gestion de portefeuille en Afrique centrale et en Afrique de l’Ouest. Le rôle était un peu éloigné de ce que je faisais alors, mais j’ai été tenté par l’opportunité de contribuer à l’avancement d’une mission essentielle en santé publique mondiale. Sans parler d’un retour à Genève, qui est non seulement une ville très agréable, mais aussi un centre majeur des affaires internationales.

Quels conseils donnez-vous aux étudiants à qui vous enseignez le droit transnational et le droit des organisations internationales à l’Université de Sherbrooke (Canada) qui souhaitent se lancer dans une carrière similaire à la vôtre ?

Saisissez toutes les occasions de construire votre expérience et votre réseau à l’international. Il existe différentes avenues pour les étudiants en droit au Québec. Certaines facultés, dont celle de l’Université de Sherbrooke, donnent accès à des stages au sein d’organisations internationales. Le Barreau du Québec offre également certains programmes. Sinon, faire une maîtrise dans une université étrangère reste un excellent moyen de développer à la fois ses connaissances et son réseau. Et évidemment, il est possible de faire carrière en pratique privée à l’étranger, ce à quoi les facultés de droit du Québec préparent très bien.

Quelle est votre pratique au cabinet que vous avez cofondé en 2020, Savoie Laporte, portant sur la représentation et le conseil auprès des organisations internationales ?

Savoie Laporte est un cabinet boutique spécialisé en droit international. Nous avons une pratique d’arbitrage international, notamment dans le cadre de différends investisseurs-états, mais également une pratique de conseil qui s’adresse aux organisations internationales (tant celles gouvernementales que celles non gouvernementales). La pratique de conseil auprès des OIs est une pratique de niche qui est généralement peu développée au sein des cabinets privés, l’expertise en la matière étant principalement concentrée au sein des OIs elles-mêmes. C’est d’ailleurs là où j’ai pu moi-même construire mon expertise. Notre offre de service touche à l’ensemble des besoins juridiques propres aux OIs, qu’il s’agisse de négociations internationales avec des partenaires, donateurs ou récipiendaires de fonds, des questions de gouvernance, des relations avec l’état hôte, des questions de privilèges et immunités, du développement de politiques et procédures internes, etc. Et évidemment, nous représentons des OIs dans le cadre de litiges de différentes natures, que ceux-ci soient réglés par l’arbitrage ou devant des juridictions nationales ou internationales. Nous avons notamment plaidé plus de 50 dossiers pour des OIs en matière d’emploi devant les juridictions administratives internationales, notamment le Tribunal administratif de l’Organisation internationale du travail (TAOIT). Et nous avons représenté des OIs dans le cadre de deux arbitrages CNUDCI.

Quels sont les avantages et les défis d’un cabinet boutique en droit international ?

En tant que cabinet boutique, nous avons l’avantage de la flexibilité. Nous sommes prêts à travailler avec différentes clientèles, notamment les individus et les PME qui peuvent avoir du mal à réunir le financement requis pour intenter des procédures à l’international. À titre d’exemple, notre modèle d’affaires nous a permis de prendre le dossier de M. Pildegovics et de sa compagnie SIA North Star, qui ont déposé en mars 2020 un recours au CIRDI contre la Norvège pour violation du traité d’investissement entre la Norvège et la Lettonie. Le dossier concerne la pêche au crabe des neiges dans la mer de Barents. Nous avons également conseillé de petites ONGs sur des questions intéressantes. Bref, nous sommes passionnés par ce que nous faisons et notre format boutique nous permet de choisir nos mandats et de trouver des façons d’apporter de la valeur à nos clients, quels que soient leurs moyens. Dans certains cas, nous travaillons également avec des tiers financeurs, qui peuvent défrayer les coûts d’un litige ou d’un arbitrage en échange d’un pourcentage des dommages accordés en cas de succès.

Quel est selon vous l’avenir de l’arbitrage international au Canada ?

Nous croyons que le Canada est appelé à occuper une place de plus en plus importante sur l’échiquier international de l’arbitrage. Bien que notre bureau de Paris nous donne l’avantage d’une présence dans l’un des plus importants marchés internationaux de l’arbitrage, notre cabinet est également dirigé depuis Montréal, et nous avons récemment annoncé une expansion à Toronto avec l’arrivée de Myriam Seers en tant qu’associée. Toronto est un centre névralgique de l’industrie minière. Il nous apparaît donc naturel que la ville continue à se développer comme place d’arbitrage, notamment pour les arbitrages impliquant cette industrie. Quant à Montréal, nous restons convaincus du potentiel de la ville en la matière. Montréal compte de nombreux atouts : bilinguisme, bijuridisme, présence importante d’organisations internationales et masse critique d’avocats hautement qualifiés pouvant agir tant comme conseils que comme arbitres, pour n’en nommer que quelques-uns. Nous entrevoyons un bel avenir pour l’arbitrage à Montréal et nous restons constamment à l’affut d’opportunités de vanter les avantages de la ville et de développer son profil à l’international.

 

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Pierre-Olivier Laporte, Founding Partner of Savoie Laporte, on the legal practice of international organisations

Interview conducted by Jonathan Brosseau, PhD candidate at Paris 1 (Panthéon-Sorbonne)

 

Member of the Quebec Bar, Pierre-Olivier has over 15 years of experience advising and representing international clients in varied contexts, both in disputes and in an advisory capacity.

He first practiced in the Arbitration and Mediation Center of the World Intellectual Property Organization and the intellectual property group of a global law firm. Pierre-Olivier later joined the Global Fund to Fight AIDS, Tuberculosis and Malaria, where he served as in-house counsel from 2011 to 2015 and as a senior legal advisor from 2016 to 2020.

He founded Savoie Laporte in 2020 with Pierre-Olivier Savoie, a boutique firm specialised in international law.

 

How did you go from practicing in a national law firm in Montreal to working at the Global Fund to Fight AIDS, Tuberculosis and Malaria in Geneva?

I began my legal career in Geneva, as a litigation administrator at the Arbitration and Mediation Center of the World Intellectual Property Organization (WIPO). It was a very positive first experience in the world of International Organisations (IOs). I returned to Montreal later, as a lawyer in the Intellectual Property group of Norton Rose Fulbright (which was still called Ogilvy Renault at the time). After a few years in private practice, the opportunity arose to join the legal department of the then expanding Global Fund to Fight AIDS, Tuberculosis and Malaria. They were looking for a French-speaking lawyer who could advise portfolio management teams in Central and West Africa. The role was a bit different from what I did back then, but I was tempted by the opportunity to help advance a vital mission in global public health. Not to mention to return to Geneva, which is not only a very pleasant city, but also a major center of international affairs.

What advice do you give to students to whom you teach transnational law and the law of international organisations at the University of Sherbrooke (Canada) who wish to embark on a career similar to yours?

Take every opportunity to build your experience and international network. There are different avenues for law students in Quebec. Some faculties, including that of the University of Sherbrooke, give access to internships in international organisations. The Barreau du Québec also offers certain programs. Otherwise, doing a master’s degree in a university abroad remains a great way to develop both your knowledge and your network. And of course, it is possible to have a career in private practice abroad, which Quebec law schools prepare students very well for.

What does your practice at the firm you cofounded in 2020 entail?

Savoie Laporte is a boutique law firm specialising in international law. We have an international arbitration practice, particularly in the context of investor-state disputes, but also an advisory practice aimed at international organisations (both governmental and non-governmental ones). The practice of advising IOs is a niche practice that is generally underdeveloped within private law firms, as subject matter expertise is mainly concentrated within the IOs themselves. This is where I developed my expertise. Our service offering covers all the legal needs specific to IOs, whether they involve international negotiations with partners, donors, or recipients of funds, governance issues, relations with the host state, questions of privileges and immunities, development of internal policies and procedures, etc. And of course, we represent IOs in disputes of various kinds, whether they are settled by arbitration or before national or international courts. In particular, we have argued more than 50 cases for IOs in employment matters before international administrative courts, including the Administrative Tribunal of the International Labor Organization (ILOAT). And we have represented IOs in two UNCITRAL arbitrations.

What are the advantages and challenges of a boutique law firm in international law?

As a boutique firm, we have the advantage of flexibility. We are ready to work with a variety of clients, including individuals and SMEs who may find it difficult to raise the funding required to bring proceedings internationally. For example, our business model allowed us to take the case of Mr. Pildegovics and his company SIA North Star, who filed in March 2020 a claim at ICSID against Norway for violation of the investment treaty between Norway and Latvia. The case concerns the snow crab fishery in the Barents Sea. We have also advised small NGOs on interesting issues. In short, we are passionate about what we do and our boutique format allows us to choose our mandates and find ways to bring value to our clients regardless of their means. In some cases, we also work with third-party funders, who can pay the costs of litigation or arbitration in exchange for a percentage of the damages awarded if the claim is successful.

What do you see as the future of international arbitration in Canada?

We believe that Canada can be a bigger player in the international arbitration scene. While our Paris office gives us the advantage of a presence in one of the most important international arbitration markets, our firm is also run from Montreal, and we recently announced an expansion to Toronto with the arrival of Myriam Seers as a partner. Toronto is a key center for the mining industry. It therefore seems natural to us that the city continues to develop as a place of arbitration, especially for arbitrations involving this industry. As for Montreal, we remain convinced of the city’s potential as an arbitration place. Montreal has many strengths: bilingualism, bijuralism, a significant presence of international organisations, and a critical mass of highly qualified lawyers who can act both as counsel and as arbitrators, to name a few. We see a bright future for arbitration in Montreal and we are constantly on the lookout for opportunities to promote the city’s advantages and develop its international profile.

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