Résumé de Conférence : L’héritage du génocide arménien, 100 ans plus tard

Par Alexis Demirdjian (La Haye, Pays-Bas)

Les 5, 6 et 7 Mars 2015, 22 experts se sont réunis dans le cadre d’une conférence interdisciplinaire intitulée The Armenian Genocide Legacy, 100 Years On, tenue à la Hague Institute for Global Justice à La Haye, aux Pays-Bas. Le sujet de cette conférence portait sur l’héritage du génocide arménien, analysé sous la loupe de diverses disciplines, incluant le droit, l’histoire, la sociologie, les médias, les arts et les lettres, les sciences politiques et l’éducation. Ces experts ont abordé la question de l’influence du génocide ainsi que du négationnisme dont il a fait l’objet au courant des cent dernières années. Cet événement a été organisé par Me Alexis Demirdjian (Centennial Project Foundation), le NIOD Institute for War, Holocaust and Genocide Studies et le Institute of Armenian Studies de la University of Southern California.

À l’occasion du centenaire du génocide arménien, une multitude d’organisations non gouvernementales ainsi que certains organes étatiques à travers le monde, marqueront ces événements au cours de l’année 2015. Maintes conférences et événements culturels dans le passé ont mis l’accent sur le génocide même, laissant peu de place à une discussion sur sa pertinence aujourd’hui. En conséquence, aborder cette question fut la contribution principale de cette conférence, dont les conclusions seront publiées dans un livre qui paraîtra d’ici la fin de l’année 2015.

L’événement a débuté le jeudi 5 mars dans le cadre de la série Roads to Justice organisée par le NIOD avec la projection du film de Suzanne Khardalian Grandma’s Tattoos, qui traite de l’exploration d’une famille du passé de leur grand-mère et la découverte de l’abus sexuel dont elle a souffert durant le génocide arménien. La projection a été suivie d’une discussion par le Professeur Ronald Suny de l’Université du Michigan et de l’analyse par le Dr. Uğur Ümit Üngör du NIOD et de l’Université d’Utrecht. Les spectateurs ont été impressionnés par les différentes facettes de ce film, y compris la difficulté des victimes à discuter de violence sexuelle, et les tabous et difficultés associés à la discussion même des violences commises contre des membres de sa propre famille.

La conférence débuta le lendemain et attira plus de 200 participants avec une couverture médiatique des médias locaux et des médias turcs et arméniens. Le contenu de la conférence était divisé en cinq sessions suivant la structure du livre que les experts sont en train de rédiger. Chaque orateur contribue à ce livre avec un chapitre sur le thème présenté lors de la conférence. Me Demirdjian est l’éditeur de ce volume.

Suivant le discours d’introduction par les organisateurs, Professeur Ronald Suny présenta le discours d’ouverture en établissant le contexte politique et historique du génocide des Arméniens de l’Empire ottoman. Le Professeur Suny a souligné comment le génocide a été le résultat de choix faits par les dirigeants ottomans et a exposé certaines décisions du gouvernement jeune-turc ayant précipité les événements menant à la destruction et dévastation du peuple arménien. Le génocide arménien n’était pas inévitable : « Men make choices », a conclu le professeur Suny.

Le premier volet de la conférence portait sur les conséquences judiciaires du génocide arménien. Les intervenants étaient Geoffrey Robertson, fondateur de Doughty Street Chambers à Londres, Susan L. Karamanian, vice doyenne de la George Washington University Law SchoolNolwenn Guibert et Sun Kim de la Chambre de première instance du Tribunal pénal international pour l’ex-Yougoslavie, Najwa Nabti du University of Arizona James E. Rogers College of Law, et moi-même. Les participants discutèrent entre autres des difficultés à plaider cette situation devant la Cour internationale de justice, des possibilités de compensation et réparations, des similitudes entre les actes de violence sexuelle durant le génocide arménien et d’autres épisodes de violence du 20ème siècle et une discussion sur le fonctionnement des systèmes judiciaires lors de conflits armés.

Le deuxième volet portait sur la question de l’identité arménienne, les récits culturels et le rôle des médias. Anthonie Holslag, anthropologue de l’Université d’Amsterdam, Esra Elmas de l’Université Bilgi à Istanbul, Ferda Balançar, éditeur du magasine turco-arménien Agos, et Ayda Erbal de la New York University, prirent la parole pour discuter du rôle des médias en Turquie vis-à-vis la      « question » arménienne, de la façon dont les partis politiques essaient de traiter ce sujet sans s’aliéner d’une partie de la population conservatrice, ainsi que de la destruction de l’identité arménienne et de l’attachement des Arméniens de la Diaspora à leurs origines et à leur culture.

Le dernier volet de ce premier jour examina l’impact du génocide sur les études en médias et littérature. Dr. Lisa Siraganian de la Southern Methodist University analysa les représentations du génocide arménien d’Atom Egoyan à travers ses divers films, notamment la production d’Ararat en 2002. La présentation de Dr. Marie-Aude Baronian porta sur l’articulation de la mémoire, le génocide, les images et la diaspora, dans l’analyse de la perspective d’artistes contemporains. Elle explora la relation entre la mémoire et les images.

Le deuxième jour fut ouvert par Hannibal Travis, professeur de droit au Florida International University College of Law, qui analysa les défenses et les excuses mises de l’avant par le gouvernement turc, se concentrant sur la thèse de trahison de la population arménienne de l’Empire ottoman. Le sociologue Dr. Levon Chorbajian se pencha sur le négationnisme du gouvernement turc durant la période de l’Entre-deux-guerres. Dr. Seyhan Bayraktar de la University of Zurich discuta du changement de discours politique dans le contexte des considérations géopolitiques et de la candidature de la Turquie à l’Union européenne.

Dr. Uğur Ümit Üngor ouvra le segment suivant sur les perspectives historiques de la catastrophe arménienne. Le Dr. Jakub Bijak évalua les études passées portant sur les changements démographiques, ainsi que les lacunes dans ce domaine et les solutions pour l’avenir. Dr. Lorne Shirinian partagea ses recherches à propos de l’expérience des orphelins et le système d’orphelinat pendant et après le génocide.

La deuxième journée prit fin avec le volet portant sur la littérature, l’éducation et le patrimoine culturel. Dr. Barlow Der Mugrdechian de la Fresno State University aborda le thème du génocide dans la littérature arméno-américaine. Joyce Sahyouni discuta de l’enseignement au niveau secondaire du génocide comme un moyen permettant de lutter contre le racisme, la discrimination et d’autres formes de xénophobie. Dr. Eugene Sensenig-Dabbous décrit le concept du tourisme sombre et son projet d’excursion ramenant des étudiants arméniens et turcs sur les lieux des crimes commis en 1915. Dr. Nanor Kebranian traita de l’absence du concept de destruction culturelle au sein de la Convention sur le génocide ainsi que des tentatives récentes de restauration des sites de ruines tels que la ville d’Ani, qui fut dans le passé la capitale de l’Arménie, et de l’église de Sourp Giragos à Diyarbakır.

La conférence fut un succès et attira plus de 200 personnes, dont plusieurs membres des ambassades à La Haye, juristes et avocats des organisations internationales basées aux Pays-Bas ainsi que plusieurs étudiants et enseignants des universités d’Amsterdam, Leiden et Groningen. Suivant un horaire chargé, peu de temps fut consacré aux questions du public. Par contre, les pauses permirent aux membres du public d’interagir avec les auteurs participant à la conférence.

La conférence a été enregistrée et les présentations sont disponibles sur YouTube:
https://www.youtube.com/playlist?list=PL1GXE7tjLboJfDheCbGCgelcem2pDlu75
Le site de la fondation contient les profils des participants et autres informations pertinentes : www.centennialprojectfoundation.org

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