Histoire de se souvenir

Jean-Pierre Bernier (Aurora, Ontario) nous accompagne dans la découverte d’un site historique de la Nouvelle-France situé à Niagara Falls, New York, où le premier chantier naval d’Amérique (au nord du Mexique) et le premier vaisseau à naviguer les Grands Lacs ont vu le jour.

« Je me souviens », la devise du Québec

À l’instar des plaines d’Abraham à Québec, le parc Griffon à Niagara Falls, New York, est un site historique de la Nouvelle-France. Bien que beaucoup moins connue, son histoire est toute aussi fascinante et illustre l’entreprenariat des premiers canadiens. Nos voisins du Sud ont su conserver les aspects mythiques de l’endroit où le premier chantier naval d’Amérique (au nord du Mexique) et le premier vaisseau à naviguer les Grands Lacs ont vu le jour au milieu des chênes qui ornent toujours la rivière Petite Niagara, situé environ huit kilomètres en amont des célèbres chutes.

Le site longe l’autoroute La Salle et fait face à l’île Cayuga nommée d’après la première nation des Cayugas qui occupait les lieux en 1679. Cette dernière compte aujourd’hui seulement trois clans. Un habite Versailles dans l’état new-yorkais et les deux autres résident en Ontario. Sur l’île, on trouve les rues Champlain (père de la Nouvelle-France), Hennepin (premier Européen à décrire les chutes du Niagara) et Joliet (premier Blanc, avec le père Jacques Marquette, à naviguer les rivières Chicago et Illinois ainsi que le fleuve Mississippi).

Le parc Griffon est un espace naturel ayant à son point central une plaque historique en bronze qui indique l’emplacement du chantier naval où le Griffon, vaisseau capable d’une charge de 54,4 tonnes métriques, a été construit en bois de chêne pendant l’hiver 1679. Afin de conserver la vocation d’origine des lieux, la seule structure du parc est une rampe de mise à l’eau pour kayaks. Sachez qu’à la fin du 19e siècle, l’île Cayuga fut considérée comme un emplacement possible pour l’Exposition panaméricaine de 1901. La sauvegarde du riche patrimoine l’emporta sur la valeur potentielle d’une réputation théâtrale et l’expo s’est tenue à Buffalo. Un dénouement heureux…

Au 17e siècle, la traite des fourrures est le moteur économique de la Nouvelle-France. Les peaux d’animaux sauvages, troquées avec les Amérindiens du grand Ouest pour des effets personnels (haches, couteaux et casseroles), sont acheminées à la rame vers les ports de Montréal et de Québec, destinées aux marchés européens. Pourquoi ne pas utiliser la voile, se dit René-Robert Cavelier de La Salle, pour transporter plus aisément ces marchandises et pelleteries de plus en plus nombreuses et lourdes. Cette vision entrepreneuriale est mise en œuvre rapidement avec l’aide de créanciers français.

Le choix d’un site pour le chantier naval s’avère facile, car un sentier autochtone de portage relie l’embouchure de la rivière Niagara au lac Érié. Sur une carte de la Nouvelle-France dressée en 1688 par le cartographe du roi Louis XIV, l’emplacement porte l’inscription « Cabane où le Sieur de La Salle a fait faire une barque ».

La construction du grand voilier débute vers le 22 janvier 1679. Une trentaine d’ouvriers y participent sous la vigie du maître-charpentier Moïse Hillaret, un canadien. Le lundi 7 août 1679, avec la traditionnelle bénédiction et salve d’honneur, le magnifique deux mâts est mis à l’eau et baptisé Le Griffon, c’est-à-dire un animal légendaire et mythique emblème de la vigilance. Il navigue jusqu’à la baie Verte (Green Bay au Wisconsin) sans incident. Suite au chargement d’une quantité considérable de fourrures, il retourne vers Niagara le 18 septembre 1679, sans La Salle qui présage une journée maussade. En mer, Le Griffon coule sans trace lors d’une tempête, emportant avec lui son équipage de cinq ou six membres et sa cargaison. L’épave de ce navire patrimonial reste encore à découvrir.

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