Visas et Immigration – La mobilité internationale des gens d’affaires

Par Me Philippe Tremblay (Toronto, Canada)

Introduction
Toute entreprise fait face à la mondialisation sous une forme ou une autre et la capacité de « bouger » ses ressources clés en toute légalité est un avantage compétitif pour tous les clients corporatifs. Malheureusement, il existe encore beaucoup de confusion sur le fonctionnement des différentes règles d’immigration et mes confrères (ainsi que leurs clients) ne sont pas à l’abri d’erreurs parfois bêtes… mais souvent coûteuses.

J’ai donc pensé rédiger ce petit guide de référence, très sommaire, mais qui je l’espère vous sera utile en vous donnant une image générale des différents concepts de base en matière d’immigration globale, et aidera à déconstruire certaines croyances populaires ou « mythes » fréquents dans ce domaine.

Les documents pertinents et concepts sous-jacents

Le passeport : Difficile à croire pour la plupart des « Grands-Voyageurs » parmi vous, mais de nombreux clients, incluant hauts-dirigeants et candidats fortement instruits, croient à l’occasion que le simple fait d’avoir un passeport suffit pour entrer dans un quelconque pays et même…y travailler! Sauf peut-être entre certains pays de la Zone Européenne (où un enregistrement local peut parfois tout de même être requis), ce concept pose problème presque partout ailleurs autour du globe – particulièrement entre les États-Unis et le Canada, où trop de gens croient encore que notre accord de libre-échange (NAFTA) offre une telle liberté entre les deux pays. Le passeport n’est qu’une pièce d’identité reconnue par les gouvernements étrangers et en général ne confère aucun autre droit sauf dans le pays émetteur puisqu’il confirme la citoyenneté du détenteur. Le passeport est maintenant « biométrique » (doté d’une puce contenant des donnés digitalisées sur le voyageur) dans la quasi-totalité des pays. Un passeport non-biométrique peut rendre son détenteur inéligible à certaines catégories d’applications ou autres exemptions de visas. Le passeport doit être valide, souvent pour une période de 6 à 12 mois suivant la date de départ prévue du pays visité. Lorsqu’un visa valide se trouve à l’intérieur d’un passeport expiré, il suffit en général de faire les arrangements nécessaires afin de préserver le passeport caduc et présenter le visa qui s’y trouve conjointement avec le nouveau passeport valide.

L’Autorisation Électronique de Voyage : Connue sous le nom ESTA (aux États-Unis) et ETA (en Australie, Inde, Sri Lanka et bientôt au Canada). Ces applications en ligne doivent obligatoirement être complétées par tous les voyageurs, normalement exemptés de visas et désirant voyager (généralement par avion ou autres transporteurs commerciaux) dans un des pays munis de ce système. Les détenteurs de visas n’ont pas à se soumettre à cette procédure puisqu’ils sont soumis à l’obligation, plus lourde, d’obtenir un visa au Consulat du pays visé. Une exemption existe également entre le Canada et les États-Unis. Mais simplement présenté et à titre d’exemple : un citoyen du Royaume-Uni ne peut entrer aux États-Unis sans s’être préalablement muni d’un ESTA (ou visa) et bientôt, lorsque l’ETA Canadien entrera en vigueur à la fin septembre 2016, un citoyen français ne pourra plus voyager (par avion) au Canada sans avoir rempli cette formalité également.

Le Visa : Ceci n’est qu’un document d’entrée, émis par chaque pays concerné. Il est basé sur la nationalité du visiteur et chaque pays possède une liste de pays dont les ressortissants doivent obtenir un visa avant de pouvoir franchir les frontières du pays en question. En aucun cas le visa ne constitue une autorisation de travail. C’est pourquoi les avocats en immigration vous corrigeront en général chaque fois que vous utiliserez l’expression « Visa de Travail ». Il y a le visa d’entrée et il y a le permis de travail. Les voyageurs désirant travailler dans un pays où ils sont exemptés de l’obligation de visa ne devront se soucier que de l’obtention d’un permis de travail. Ceux étant soumis à l’obligation d’obtenir un visa devront généralement appliquer pour un visa et un permis de travail.

Le permis de travail : Tel qu’expliqué ci-haut, le permis de travail est le document autorisant tout travailleur étranger à travailler légalement dans le pays d’accueil. Plusieurs démarches préalables et autorisations locales doivent souvent être complétées avant même de pouvoir faire application. Une importante question demeure, à savoir si un permis de travail est requis afin d’effectuer les tâches prévue dans tout autre pays. Sauf en Europe, puisque l’Union européenne autorise (pour l’instant – et parfois sous certaines conditions) la mobilité des travailleurs entre pays cosignataires, presque partout ailleurs c’est la nature du rôle à jouer (jamais la durée du séjour ni l’absence de rémunération) qui permettra de rendre cette conclusion. S’il y a rémunération reçue directement d’une source locale, la conclusion est évidente : un permis de travail est requis. Mais lorsque le salaire demeure versé par le pays d’origine, et même dans les cas où le séjour est très bref, si le concept de « travail productif » est adopté (i.e. est-ce que quelqu’un localement pourrait en théorie être rémunéré afin d’effectuer la tâche visée?), alors un permis de travail devient requis. Vous comprendrez maintenant pourquoi un aimable citoyen de la rue CanUSA (à Stanstead, au Québec) s’était déjà fait interpellé du côté américain pour avoir généreusement aidé son voisin d’en face (côté États-Unis) à tondre son gazon : quelqu’un aurait pu être payé pour cette tâche aux USA! Les « VP-Opérations » voyageant à l’étranger pour un simple « meeting d’affaires » rencontrent également souvent ce problème, lorsque le contenu de ladite rencontre aura un impact sur les opérations locales dans le pays visité. Heureusement, bon nombre de permis de travail peuvent être obtenus rapidement et à peu de frais. Mais n’attendez pas qu’un officier vous rappelle à l’ordre…il est souvent trop tard rendu à ce point.

Le permis de résidence : Parfois l’étape finale du processus d’obtention d’un permis de travail. Parfois un simple enregistrement des lieux de résidence et/ou d’emploi dans le pays local, ce processus est tout de même obligatoire dans de nombreux pays, particulièrement en Europe et en Asie. Cette procédure s’effectue généralement dans la région précise des lieux de travail et/ou de résidence, s’ils diffèrent, et peut être accompagnée de l’obligation de produire la preuve d’un examen médical ou autres obligations. La remise des titres de séjours, le « désenregistrement » (si vous m’allouez cette mauvaise traduction), ou la demande de permis de réentrée, doivent être effectués avant le départ dans la plupart de ces mêmes juridictions.

La Résidence Permanente (« Green Card » aux États-Unis) : Comme son nom l’indique, le statut de résident permanent permet de vivre, résider et même travailler dans le pays visé sans autre visa, permis de travail ou autres formalités. Ce paragraphe devrait s’arrêter ici. Mais, voici quelques erreurs ou pièges fréquents : 1) Ce statut n’est pas… permanent! Non! Une fois ce privilège reçu, il faut l’exercer! Les critères varient d’un pays à l’autre relativement à l’obligation de résidence. À défaut de résider le temps minimal requis dans le pays et/ou de remplir les obligations requises avant une absence prolongée, le statut de résident permanent (et même la « Green Card ») peuvent être retiré(es)! 2) Le statut de Résident Permanent reconnu par le pays émetteur n’implique pas que tout autre pays tiers reconnaitra ce même statut. Par exemple, le Canada reconnait pratiquement tous les résidents permanents américains comme s’ils étaient des citoyens américains pour nos fins d’immigration ici au Canada. Toutefois, les États-Unis ne reconnaissent pas les résidents permanents canadiens, ces derniers devant approcher l’immigration américaine selon les règles applicables à leur pays de réelle citoyenneté.

En conclusion
Beaucoup d’autres concepts pourraient être présentés ici, mais ce survol général sera utile, je l’espère, à plusieurs d’entre vous. Comme tout autre spécialité du droit, l’immigration d’affaires est un domaine où de nombreuses erreurs, ou à tout le moins confusions, peuvent se matérialiser rapidement. Il est donc important de connaitre, au fond, les différentes obligations et multiples conséquences avant tout déplacement à l’étranger et plus encore, avant de conseiller quiconque à ce sujet.

Pour toutes questions sur ce qui précède, ou pour toute information spécifique à un ou plusieurs pays en particulier, n’hésitez pas à contacter AHQ ou votre soussigné directement en tout temps.

Me Philippe Tremblay exerce le droit de l’immigration depuis 1997. Ayant d’abord cofondé son propre cabinet basé à Montréal pendant près de 10 ans, il a ensuite agi en tant que dirigeant des firmes Fragomen et Emigra pour le Canada, et est basé à Toronto depuis 2008. Ex-administrateur d’AHQ, il est maintenant Vice-Président Mondial pour tout ce qui concerne l’immigration et la conformité à l’échelle internationale au sein du fournisseur de services de relocations internationales, le MIGroup. Pour le rejoindre directement : phil.tremblay@themigroup.com

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